Aux lecteurs et lectrices : je suis élu Front de gauche, même si ça se voit pas tout de suite. Je me suis demandé si je devais dénoncer des postures et des pratiques que je condamne, y compris quand elles émanent de mon propre camp. Je me suis posé la question 15 secondes. 

Le billet se compose en deux parties, parce-que le sujet est inépuisable, alors take your time.

Dans un précédent billet – je sais ça fait genre le mec qui écrit – je suis revenu sur le silence complice de nombreux responsables et militants du Front de gauche sur l’islamophobie larvée qui mine notre beau pays.

Je disais qu’il fallait débattre. Ne pas le faire c’est prendre le risque de céder – encore –  aux raccourcis chers à la droite, à l’extrême droite, mais aussi à une partie de la « gauche ».

Dernier épisode de la série « l’islamophobie primaire » :  la sortie du conseiller de Paris (PG) Alexis Corbières qui dénonce la construction de salles de prières dans le futur agrandissement de l’Institut des Cultures d’Islam, en plein quartier de la Goutte d’Or à Paris.

Un projet soutenu et financé par la ville de Paris.

Qui peut nier qu’un tel institut permet déjà de dévoiler au grand public la richesse culturelle de l’islam et plus largement des pays où cette religion est pratiquée ?

Qui peut nier qu’un tel équipement permet déjà d’ouvrir davantage ce quartier de la capitale au este de Paris et même au-delà ? Moi, banlieusard jure y être déjà allé plusieurs fois.

L’élu en question va pourtant déraper, en prenant la question du financement et la loi de 1905 comme prétextes.

Il combat ce projet en rejetant le financement des salles de prière par la ville. Or, si la ville va en effet construire ces salles, qui seront donc des locaux nus une fois achevés, il est prévu que celles-ci soient revendues, justement, aux fidèles qui en assureront la gestion.

Ainsi, ils seront les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics. Plutôt une avancée.

Au final donc, la ville n’aura financé aucun culte puisqu’elle récupérera les deniers publics investis.

L’élu enfonce le clou en refusant que les lieux cultuels soient dans la même enceinte que les futurs lieux culturels. Ma première réaction était : « mais qu’est-ce que ça peut te f*** ? « .

Puis, je me suis dit qu’il avait raison. Imaginons en effet qu’un musulman transmette sa foi à un-e impie en serrant la main ou en claquant la bise ?!

Je suis transi d’effroi à cette simple pensée.

En effet, pourquoi pas des dialogues entre croyants et non-croyants ou pire des rencontres entre les différentes religions ?

Non, l’entre soi est une valeur bien plus progressiste et porteuse d’avenir.

A quoi bon vouloir s’ouvrir aux autres, à plus forte raison quand l’autre est musulman ?

Au final, cet élu s’oppose à ce que les musulmans aient – enfin – des lieux de culte décents pour justement mettre fin aux prières dans les locaux indignes et dans la rue dont les tous les musulmans, d’apparence ou non, sont les premières victimes.

Ces prises de position ne sont pas dignes d’un élu de gauche, qui ne sait plus comment manifester sa haine des religions et particulièrement de l’islam.

Un islam bien côté sur le marché du buzz, à condition qu’on tape dessus et ça, lui comme les autres, l’a bien compris.

En tenant ces propos, Alexis Corbière s’est fait malgré lui l’allié objectif de la droite et de l’extrême droite, comme des fascistes tendance Riposte Laïque.

J’y vois du rejet, j’y décèle de la haine, j’y trouve du mépris.

Voici comment Alexis Corbière concluait déjà son intervention au conseil de Paris du 12 juillet 2012 : « Le respect de la laïcité nous concerne tous. Il est un des enjeux majeurs du 21e siècle à Paris comme dans le reste du Monde ». 

Moi, benoîtement je ne pensais pas que c’était du même niveau que la spéculation financière, la pauvreté, le chômage et qu’à Paris les vrai problèmes, c’est la spéculation immobilière, le manque de logements sociaux….

Le 22 avril dernier, il a voté contre le projet de la ville. Il faut qu’il assume jusqu’au bout, ce vote lourd de significations.

Je vais maintenant vous faire une confidence, étant donné qu’on est seuls ici : mon article cité en début de billet a aussi été écrit en réaction à un communiqué du Parti de Gauche qui condamnait, tout comme Manuel Valls et Marine Le Pen, la décision de la Cour de Cassation dans l’affaire Babyloup.

Je continue donc de croire que beaucoup de responsables politiques et de pseudos intellectuels brandissent l’étendard de la laïcité pour dissimuler une haine de l’islam non assumée et donc, honteuse.

La laïcité est alors bien pratique, une sorte d’alibi pour éviter de se voire taxer de racisme anti-musulman.

On laisse subtilement entendre dans le discours ambiant bien relayé par les médias, que la cohésion nationale est menacée par l’islam et que les demandes de la communauté musulmane seraient à ce point exponentielles et dérogatoires du droit commun qu’elles seraient en passe de briser le pacte républicain.

De fait, montrer du doigt une et une seule communauté en raison de sa seule appartenance religieuse, c’est du racisme.

Je dis une seule, parce-qu’à gauche de la gauche – j’attends plus rien du PS depuis que je sais compter – peu de voix se font entendre quand d’autres religions font le siège de la République.

Aussi, personne ou presque n’a trouvé à redire sur les nombreuses prières de rue que l’on doit subir pendant le débat sur le mariage homo.

Le 21 avril dernier encore, place des Invalides au cœur de Paris, des centaines de catholiques intégristes ont pu prier contre le mariage pour tous et pour l’homophobie, avec la bénédiction de la police républicaine du ministre socialiste Manuel Valls.

Quand les catholiques prient, sur l »espace public, la République le tolère, voire l’encourage par un étrange silence, le tout relevé d’un soupçon de complicité.

Imaginez un instant que des musulmans se soient mis à prier au même endroit….

Je n’ose même pas imaginer le déferlement médiatique et raciste auquel on aurait eu droit. Tous les médias se seraient mis en mode pain au chocolat.

Le souci réside bel et bien dans le traitement différencié réservé à l’islam. C’est un peu la religion des pestiférés, de ceux qu’on montre du doigt pour mieux les châtier, les exclure.

Aussi, a force de marginaliser les musulmans, ils sont irrémédiablement poussés vers une radicalisation pourtant pourfendue par les ultralaïcards.  Ensuite, les UMP et FN n’auront qu’à se baisser pour ramasser le gros lot.

Avec la complicité active d’une partie de la gauche et de prétendus « camarades », qui ne se précipitent pas lorsque d’autres religions que l’islam prennent véritablement possession, elles, de l’espace public.

;tg