Camarade, je vais te tutoyer car c’est ce qu’on fait entre communistes.

Je t’avoue ma surprise, quand j’ai découvert ta tribune « Un vêtement pas comme les autres », qui a été recommandée par Manuel Valls himself.

 

Tu comprendras que cette recommandation par l’un des responsables de la montée de l’islamophobie en France, m’a causé quelques sueurs froides accompagnées de quelques palpitations.

Puis, je me suis dit, allez c’est dans l’Huma, lis et tu verras.

J’ai lu et wallah, j’ai pas été déçu, j’utilise à escient wallah (je le jure) tant que c’est pas encore un mot qui peut valoir une fiche S.

Je précise avant de te dire ce que je pense de ton texte, que ce dernier se voulait une réponse à celui d’Edwy Plenel « un vêtement comme les autres ».

Dans ton texte tu écris notamment :

« Il y avait plus ou moins (et souvent pas du tout!) tout au plus des pratiques de ramadan, de prières, mais la priorité c’était de s’insérer, de se faire accepter pour le dire vite, de s’intégrer par l’école entre autre, en étant conscient aussi qu’on vivait dans un pays avec une longue histoire, des traditions etc…que de ton temps

Souvent pas du tout de « pratiques du ramadan » ? Dans mon entourage, tous les ados observaient le ramadan, certes pas forcément de manière rigoureuse, mais tous le faisaient, c’était culturel et cultuel. Quant à la priorité de « s’insérer », tu ne prônes rien de plus rien de moins que l’assimilation reprenant une thèse raciste qui veut que l’islam n’est pas compatible avec la République ou alors allégé.

Nos parents on leur a toujours demandé de raser les murs, de se faire petits, de remercier la France d’être là alors qu’ils n’avaient rien demandé et ne cherchaient qu’à offrir un avenir meilleur à leurs enfants.

Ils ont participé à la reconstruction et au rayonnement de la France.

Dois-te je te rappeler à toi, fils d’immigré que pour certains les pays de nos parents ont subi l’oppression coloniale jusqu’à 132 ans pour l’Algérie ?

Au déracinement qu’a représenté le fait de quitter l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, pour ne citer qu’eux, il fallait qu’en plus ils effacent tout ce qui pouvait rappeler qu’ils venaient d’ailleurs.

Il n’y a rien de pire que l’assimilation, le rejet d’une partie de soi, de son héritage, de son patrimoine historique et culturel.

Le vrai « retour » dont tu parles dans ton texte de la part de la France, aurait été de faire en sorte que nos parents soient acceptés comme ils étaient, en leur rendant la vie meilleure et plus facile.

Au lieu de ça on les a mis dans des bidonvilles, parqué dans des HLM excentrés…. Sans jamais chercher à les élever socialement, et les conséquences, on les connait.

Tu parles aussi de la « bienveillance » des tes professeurs. Heureusement que tous n’orientaient pas les fils et filles d’immigré-e-s dans les voies de garage, mais c’était, et c’est encore souvent le cas.

Moi aussi j’ai fait de longues études j’ai passé un concours, mais je sais que cela est dû en partie à l’environnement dans lequel j’ai baigné, mes parents n’ont pas toujours pu me pousser.

Je te livre un scoop : on ne naît pas tous et toutes libres et égaux/égales en droits.

Tu ajoutes :

« Ce qui m’‘interpelle aujourd’hui hui, c’est que 20-30 ans plus tard, en 2016, on en est à des revendications incroyables de type Burka et Burkini. »

En précisant :

« Disons le clairement, l’écrasante majorité des musulmans en France ressent ces revendications comme une provocation inutile et dangereuse pour elle même : en effet, c est pain béni pour le FN ce genre de revendications, et le FN, ses idées, sont la première menace. Parfois quand j’entends les arguments de certains tendant à relativiser ces pratiques, croyant ainsi défendre les musulmans, je me dis qu’on se passerait volontiers de ce type de défense…on a même envie de leur dire : « …svp…taisez vous… »

Quelles sont ces revendications de burqa et burkini ? Y’a-t-il eu des manifestations, des pétitions pour réclamer d’imposer à toutes les femmes musulmanes de porter ces habits ?

Quelle source pour dire que la majorité des musulman-e-s le vit comme une provocation ? je crois surtout que ça les indiffère, chaque musulman-e étant libre de vivre sa foi comme il/elle l’entend.

La burqa est interdite, une loi plus que discutable sur ses fondements, ses conséquences et ses réelles motivations.

Mais le burkini non. Les femmes musulmanes sont-elles à ce point soumises qu’elles ne pourraient pas choisir librement de mettre un bikini ou un burkini ?

Faut-il voir derrière chaque burkini la main d’un frère, d’un père, ou d’un mari ?
Cette vision de la femme musulmane ne serait-elle pas un tantinet sexiste, voire néocolonialiste ?

Je crois qu’on est au fond du problème. Tu es un disciple de Cheikh Chevènement, qui demande la « discrétion » aux musulman-e-s.

20, 30 ans plus tard on n’a pas de revendications prosélytes, on a des élites politiques qui continuent d’oeuvrer à l’assimilation la plus abjecte des populations arabo-musulmanes.

Ce que toi et d’autres ne semblez pas supporter c’est que la 2ème et la 3ème génération d’enfants d’immigré-e-s optent pour la visibilité.

La seule revendication finalement est celle-ci : on peut être français-e et musulman-e. Voilée, ou pas, barbu ou pas burkini ou pas, c’est avant tout de ces libres choix dont il est état.

Vouloir à partir de quelques personnes qui peuvent faire de l’islam de certains vêtements un objet de revendications, jeter l’opprobre sur les musulman-e-s de France, français-e-s ou pas est juste inacceptable.

Tu as fait des études, alors tu dois savoir que la laïcité ne s’applique qu’à l’Etat et ses agents, pas aux citoyen-ne-s et à leurs vêtements.

J’ai mon avis sur le burkini sur le topless, sur plein d’habits plus ou moins conventionnels, mais la liberté de tou-te-s doit primer sur l’avis de chacun-e.

A vouloir à tout prix taper sur l’islam parce-que visible vous n’obtiendrez qu’un résultat, une affirmation identitaire exacerbée, qu’ensuite vous vous dépêcherez d’aller condamner.

Je te le dis camarade, ton texte est dangereux, et fera le bonheur des intégristes de la laïcité et de l’extrême droite, sans parler du pouvoir en place qui peut se targuer du texte d’Amar pour taper sur l’islam.

Il y a trois ans, j’écrivais une lettre ouverte à mes camarades du front de gauche, trois ans après elle n’a presque pas pris une ride au pays de l’islamophobie.