Il est 8h41 quand le téléphone sonne. A l’autre bout du fil le consulat de France à Jérusalem.
Après quelques secondes je raccroche . Il est si tôt que j’ai l’impression d’avoir rêvé.
Je me souviens alors de la conversation. Mon interlocutrice venait de m’annoncer la nouvelle. J’allais pouvoir entrer à Gaza. On allait pouvoir entrer à Gaza. Nadir était encore avec moi.
On est le 4 juillet, mais plus que l’indépendance des Etats-Unis, c’est mon anniversaire.
Le passage à Gaza via Eretz en guise de présent, je me dis que c’est la grande classe.
J’avais déjà tenté de passer, en faisant les choses en bonne et due forme. Jusque-là je m’étais toujours fait recaler, un peu comme en boite de nuit, quand on te fait passer pour un clandé.
Du coup, je me lève en sursaut. Je réveille Nadir, et lui annonce la nouvelle. Lui n’y croyait pas. J’étais content d’avoir eu raison contre son fatalisme.
On enchaine douche et petit déjeuner à vitesse grand V.
On redescend dans la chambre, on fait nos sacs. Ne pas oublier l’essentiel : les passeports et les chargeurs de portable.
On descend pour aller chercher un taxi. Mon téléphone resonne. Cette fois c’est Lucie, notre amie basée à Ramallah.
On lui apprend la nouvelle, elle est ravie pour nous mais envieuse. Elle se propose de nous appeler un taxi qu’elle connait.
On prend un café en l’attendant. On se vanne encore un peu.
Le taxi arrive, on monte. La route est longue. Sur le chemin un paysage oriental, des maisons et immeubles de standing. Malgré les 20 % d’arabes en Israël, la majorité des indications (rues, magasins) sont quasi-exclusivement en hébreu.
Juste un peu avant d’arriver à Eretz, le chauffeur nous montre un ancien village arabe. Un de plus.
On arrive à Eretz. C’est impressionnant. Un véritable terminal d’aéroport, sauf que n’y passent que piétons et voitures .
Le contrôle prend un peu de temps, les gardes sont armés jusqu’aux dents, index sur la gâchette.
On passe enfin. On marche dans le grand couloir qui nous amène au passage de l’autre côté. Un point de passage contrôlé par le Hamas, qui gère la bande de Gaza depuis 2008.
Au contrôle des bagages, pas de problème. Au contrôle des passeports, on se rend compte qu’on avait juste oublié de demander l’autorisation de pouvoir entrer dans Gaza.
Notre ami Zyiad, de Rafah, après des pourparlers de plusieurs minutes, obtient enfin le feu vert.
On traverse le point de passage de Beit Hanouna, fait préfabriqués défoncés. Rien à voir avec le building ultra moderne côté israélien. Pas les mêmes moyens non plus.
On est à Gaza.
Zyiad nous emmène manger. Puis direction Gaza, un vrai tour dans la ville. On va marcher dans le camp de Rafah, la pauvreté saute aux yeux. Plusieurs maisons sont inachevées et des amas de tôles font office de pièces supplémentaires.
Par endroits, ce sont des bidonvilles, avec tous les problèmes que cela implique : manque d’eau, d’espace, problèmes de santé… Bien que l’UNWRA (Office de l’ONU pour les réfugiés) s’occupe officiellement des camps des réfugiés, on est loin du compte.
On parle politique, des guerres intestines entre factions palestiniennes, puis on va se poser dans un café de Rafah, où Zyiad et ses amis ont improvisé un anniversaire, avec gâteau, bougies et chicha. Tout ça pour moi.
Avant de rentrer sur Gaza , on passe par Khan Younis, une ville et un camp animés, le tout mêlé là aussi à une grande pauvreté
On passe la nuit chez Zyad à Gaza city. Il habite non loin du point de passage pour Israël. L’après-midi on était allé au point de passage de Rafah, vers l’Egypte. La bande de Gaza est une bandelette.
Après avoir discutaillé la veille, on était déjà vendredi matin. Après la douche et le café, il nous fallait partir pour Beit Hanouna. Passage éclair. On arrive à Eretz
Porte coulissantes, tourniquets, haut-parleur demandant ce que nous avons fait à Gaza.
On a le droit à la fouille des bagages, au scan corporel….
Arrivée au contrôle passeport, encore ce même rituel.
Ces questions auxuqelles je ne supporte plus de répondre, et qu’ils ont déjà enregistré 10 fois dans leur base de données.
A cet instant, avec Nadir, on se dit que ce traitement est résrvé aux bougnoules. La preuve, des Néo Zélandais avant nous sont passés sans qu’aucune question ne leur soit posée.
Se pose la question de la réciprocité. Il faudrait que les mêmes questions soient posées aux israéliens qui arrivent en France. Aucune raison qu’on soit les seuls à subir ces humilations.
Après une heure d’attente, on s’impatiente. Coup de fil au Consulat. Je mets la dernière touche à cet article en pensant au chauffeur de taxi qui nous attend depuis plus de 30 minutes.
On a encore une heure de route pour arriver à Ramallah, chez nous.
On se plaint, mais on n’est vraiment pas à plaindre. Juste un mauvais moment à passer, un des ces moments qui sont quotidiens quand tu es palestinien.