Les Estivales du Front de gauche (FDG) se sont tenues du 23 au 25 août près de Grenoble.
De nombreux ateliers étaient organisés, réunissant des centaines de personnes, élus, militants, sympathisants.
Un atelier a retenu toute mon attention. Son intitulé : « Un nouveau racisme, le racisme anti-musulmans ? « . Outre que le point d’interrogation me parait superflu, il me tardait d’écouter les intervenants, surtout dans un contexte marqué par une recrudescence des actes de violence visant les musulmans de France.
Pour ce qui me concerne, j’avais déjà exprimé mon malaise à mes camarades du FDG, via un billet qui m’a valu félicitations et remontrances. En fait non, via deux billets, le second visait plus précisément le positionnement d’Alexis Corbière, Secrétaire national du Parti de gauche, et conseiller de Paris, qui n’avait pas manqué de me répondre. Il était l’un des intervenants à cet atelier.
C’est donc dans ce contexte que se déroulait cette rencontre. Une salle bondée, peuplée majoritairement de non-musulmans d’apparence. A l’image des formations politiques de France.
Les intervenants se sont succédés afin de donner leurs points de vue. Tous ont répondu à la question posée dans l’intitulé de l’atelier. Tous ont répondu positivement.
Personne donc, n’a nié l’existence d’un racisme visant particulièrement les musulmans.
C’est sur la conception de la laïcité que les débats ont achoppé.
Beaucoup en ont une définition étriquée qui revient à faire de la laïcité la lutte contre les religions, quelles qu’elle soient.
D’autres la définissent comme un cadre dans lequel chacun peut faire valoir ou non sa liberté de conscience. Sa croyance, ou sa non-croyance.
Une chose est sûre, les avis divergent énormément, et on a encore du boulot.
Les contradictions sont énormes.
Un exemple. Le Parti de gauche a condamné la décision de la Cour de cassation concernant l’affaire de la crèche Baby Loup.
Cette décision allait dans le sens de la nounou à qui l’on souhaitait empêcher de porter le voile sur son lieu de travail, à savoir une crèche privée.
Dans nos quartiers, beaucoup de femmes travaillent dans le secteur de la petite enfance, notamment à domicile, mais aussi dans des structures de garde privées.
Les empêcher de porter le voile les exclura tout bonnement du marché du travail, de la société.
Elles seront alors contraintes de rester chez elle, dépendantes à 100 % de leurs conjoints.
Sans compter qu’elles seront privées des liens qu’elles pouvaient nouer dans le cadre professionnel.
Dans le même temps, celles et ceux qui se seront battus pour que ces femmes enlèvent leurs voiles, nous feront des discours sur la nécessaire émancipation de la femme dans les quartiers et blablabla et blablabla.
Eléments importants qu’est venue préciser une militante de l’association « Mamans toutes égales », rappelant que des mamans sont encore exclues des sorties à l’école pour le seul fait de porter le voile, mais qu’on les appelle systématiquement pour faire des gâteaux lors des kermesses.
Il en va de même pour les lieux de culte. Je ne comprends toujours pas qu’on ait pu s’opposer au projet d’agrandissement de l’Institut des Cultures d’Islam à Paris, qui prévoyait que deux salles soient vendues à des associations cultuelles.
D’un côté on vote contre un projet permettant de fournir des lieux de culte décents, et de l’autre côté, on se plaint des nuisances occasionnées par des prières de rue.
L’absence de foncier sur Paris est telle que cette opération de la ville de Paris est juste du bon sens.
Le positionnement de Charlie Hebdo s’est invité à de nombreuses reprises dans le débat.
Tous ont défendu la liberté d’expression. Charlie Hebdo a en effet le droit de faire des unes clairement anti-musulmanes.
Cette liberté d’expression doit aussi nous autoriser à dire que ces unes puent, et que dans le contexte de montée croissante de la haine contre les arabes et les musulmans, Charlie Hebdo aurait été bien inspiré de se montrer intelligent.
La plus grande tension a été palpable au moment où certains ont dit que la laïcité servait de voile à certains pour masquer leur haine de l’islam. Y compris à gauche.
Comme si être de gauche immunisait contre le racisme ou la haine de l’autre.
Je suis convaincu que la laïcité a été dévoyée, permettant à certains d’avancer leurs pions pour tenter de rendre invisible la religion musulmane dans l’espace public.
C’est peine perdue. Une double peine. Non seulement c’est impossible, mais en plus, dangereux, car ça incitera nos amis musulmans à plus de repli et d’entre soi.
J’ai une proposition à vous faire camarades : et si on leur lâchait la grappe aux musulmans ?
Suis d’accord avec le compte rendu ci-dessus. Je crois que néanmoins c’était un pas en avant. Il y a quelques années il n’y aura simplement pas eu d’atelier sur le sujet. Reconnaître l’existence de ce racisme par contre est un tout petit pas si on ne s’engage pas à le combattre. Quelques personnes ont laissé leurs coordonnées pour rejoindre le réseau informel « Militants du front de Gauche contre l’islamophobie ». Un long combat nous attend.
… »Et si on leur lâchait la grappe, aux musulmans ? » : et toc ! Bravo ! Malheureusement, il y a du pain sur la planche pour changer les mentalités : une personne que je connais ( et que je sais généreuse et serviable par ailleurs) m’ a dit récemment, d’ une part : » j’ ai été élevée dans l’ esprit chrétien, scoutisme, amour des autres… », et,d’ autre part : « Il n’ y a pas un appartement de libre dans ton immeuble ? Je voudrais déménager : ils nous ont mis une famille de « voilées-gantées » dans le notre, si tu vois ce que je veux dire » (sic !) …Le plus drôle, c’ est que j’ allais juste lui dire que ma petite fille s’ était convertie à l’ Islam ! Il faut,répéter autour de nous de ne pas confondre musulman et « dangereux islamistes », et que les médias nous manipulent : à force de le dire, ça fera son chemin . Et puis je me répète, mais si on pouvait faire de grands rassemblements, non pas « contre…. », mais « pour … » ( Pour la Tolérance et la Paix , comme à Jerba, au printemps dernier : c’ était si beau !). Insuffler du positif, inciter à se tendre la main .