« Saint-Denis adopte enfin la vidéosurveillance » c’est le titre tout empreint de neutralité que Le Parisien a choisi pour son édition du 93 daté du 27 juin dernier pour aborder le débat et le vote sur la mise en place de 41 caméras à Saint-Denis.
Si le titre reflète un certain agacement – bah oui, ils attendaient quoi ces élus pour mettre des caméras partout et ainsi régler toutes les questions d’insécurité dans la ville ? – le début de l’article n’est pas non plus.
Je vous laisse juger : « Il aura fallu plus de deux heures et demie de débat au cœur d’un conseil municipal à rallonge (de plus de neuf heures !), ce jeudi soir, à Saint-Denis, pour que la ville vote enfin [ la mise en place des caméras ]. »
C’est quoi ces élus qui prennent le temps d’échanger sur des sujets de société ? Non mais !
Oui vous ne rêvez pas; Le Parisien est devenu un journal militant. En fait, il l’a toujours été. Ce journal a toujours été le soutien d’une certaine forme de populisme et de démagogie et ne refuse jamais les enchères sécuritaires. Le journal fait son beurre, entre autres sur le fait divers, et les caméras vont permettre de développer ce « business ».
Ainsi, dans un article qui annonçait l’enterrement par la Cour des Comptes de la vidéosurveillance, je journaliste Jean-Marc Manach, spécialiste de la question, écrivait : « Les partisans de la vidéosurveillance trouveront toujours des faits divers pour démontrer l’efficacité des caméras. Mais c’est bien connu : les faits divers, ça fait diversion… la preuve : le rapport du ministère de l’Intérieur censé démontrer l’efficacité de la vidéoprotection des caméras installées sur la voie publique dressait une liste de 18 « faits marquants d’élucidation, grâce à la vidéoprotection »; mais seuls 3 d’entre eux relevaient de caméras installées sur la voie publique et contrôlées par la police, la gendarmerie ou une municipalité : tous les autres concernaient des caméras installés dans des hôtels, bureaux de tabac, supermarchés, etc. On y trouvait même… la vidéo d’un mariage. »
A aucun moment ce journal, dans lequel travaillent – il me semble – des journalistes, n’a interrogé le principe même de la vidéosurveillance, en allant voir notamment là où il y en a, si ça marche vraiment. Pourtant il y aurait matière. Dans le même article de Jean-Marc Manach on apprend « qu’alors que les premières caméras ont été installées, à Levallois-Perret, en 1991, et que le développement de la « vidéoprotection » a un coût, estimé par la Cour des comptes à 300M€ pour l’État, plus 300M€ pour les collectivités, soit 600M€, par an, les magistrats déplorent que, 20 ans après, « aucune étude d’impact, réalisée selon une méthode scientifiquement reconnue, n’a encore été publiée », afin d’en mesurer l’efficacité, et donc la pertinence. »
A aucun moment les journalistes, notamment l’auteur de ce papier militant, n’est allé interroger les élus qui se sont abstenus, ou encore qui ont voté contre, sur les raisons de leur opposition.
Mais nous ne sommes que des gauchistes laxistes qui nous accommodons fort bien de la délinquance urbaine.
Par ce procédé et le ton employé, ils orientent le lectorat et vendent la surveillance généralisée comme une remède miracle pour lutter contre l’insécurité.
Pourtant, l’insécurité mérite mieux que des fausses vraies solutions, mises en place sans véritable débat et sans tirer les leçons des expériences existantes.
Les citoyens méritent de vraies moyens de proximité, de l’humain, tout le contraire du dispositif qui vient d’être voté.