Je reproduis ci-dessous une lettre ouverte envoyée à Mathieu Hanotin, député de Saint-Denis, bien qu’ayant été élu dans des conditions plus que discutables…

Je ne sais pas s’il aura le temps de la lire, étant donné que contrairement à ses engagements, il continue de cumuler son mandat de parlementaire avec celui de Vice-président du Conseil général du 9-3, et les indemnités qui vont avec soit 9857 euros au total. Bonne journée.

 

Saint-Denis, le 13 mai 2013.

Monsieur le Deputé, Mathieu Hanotin,
Le 22 Mai prochain, vous devrez vous prononcer, selon la procédure du temps législatif programmé, sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (ESR). Loin de constituer une rupture avec la politique dictée depuis 10 ans par la Commission Européenne sous le nom de Stratégie de Lisbonne, ce texte plébisicite cette politique et la poursuit jusqu’à l’absurde. Parmi la kyrielle de points alarmants, nous citerons :

L’effet contre-productif de la nouvelle mission « transfert ». Le Code de la recherche publique serait modifié, assignant à celle-ci un objectif supplémentaire : « le transfert des résultats de la recherche vers le monde socio-économique ». A l’heure où le budget de notre ministère est en baisse, cette nouvelle mission ne pourra se faire qu’au détriment des autres, en particulier de la formation de nos étudiants. Elle a déjà été encouragée par les gouvernements précédents et s’est révélée contre-productive : incitées à sous-traiter leur recherche aux laboratoires publics, les entreprises ferment leurs centres de recherche. Dégraissage dans la recherche privée, gel des postes dans la recherche publique, quel étudiant de Master se risquera à entamer une thèse avec une telle perspective ? Les lois LRU et Pacte de la Recherche ont provoqué une explosion de la précarité dans nos métiers ; ce sera l’explosion de la crise des vocations si cette nouvelle loi est votée.
La précarisation de l’emploi scientifique. On compte aujourd’hui 50.000 précaires dans l’ESR. Cette situation est inacceptable d’un point de vue personnel pour les précaires, et elle l’est aussi pour notre mission de création et de transmission du savoir : comment la remplir dans la durée, faute de personnel permanent ? C’est d’une loi de programmation dont nous avons besoin pour résorber la précarité et donner un signal fort à nos jeunes que les débouchés existent dans nos métiers. Le projet de loi actuel est de ce point de vue totalement hors sujet.

La paupérisation de l’ESR. La loi de 2007 sur l’autonomie des universités conduit un nombre croissant d’entre elles au bord de la faillite, obligeant légalement le rectorat à les mettre sous tutelle, soit exactement l’effet inverse de celui annoncé. Au lieu de prendre acte qu’une université n’est pas une entreprise devant gérer des capitaux, le projet de loi ne modifie en rien ce qui provoque ces naufrages. Le budget des organismes de recherche baisse cette année de 16%. Même en restant dans le cadre de l’austérité budgétaire exigée par la Commission europénne, d’autres choix sont possibles mais le gouvernement les dissimule : le ministère de l’ESR n’a en effet pas la main sur les 22 milliards des Investissements d’Avenir, gérés par un Commissariat autonome, ni sur les 5 milliards du Crédit Impôt Recherche, gérés par le ministère des Finances. L’utilisation de ces fonds, décidée par le gouvernement précédent, devrait faire partie du débat parlementaire actuel sur l’ESR, mais il n’en est rien. Autre forme de hors sujet.
La capolarisation de l’ESR. La prétendue excellence prônée par le précédent gouvernement sort renforcée de ce projet. Ainsi, les nouvelles structures au fonctionnement non démocratique telles que les IDEX ou les Fondations de Coopération Scientifique sont perennisées. Les universités sont sommées de se regrouper dans des mégastructures dont le fonctionnement pyramidal et flou dilue la démocratie et instaure une compétition entre personnes et zones géographiques. Ce n’est pas dans ce contexte que peut s’épanouir la créativité scientifique.
Monsieur le Député, c’est en tant qu’enseignant-e-s-chercheur-se-s ou chercheur-se-s dionysien-ne-s que nous vous interpellons. Pour toutes les raisons que nous venons d’évoquer, nous vous demandons de rejeter ce projet de loi et d’exiger de votre gouvernement un projet radicalement différent.
Comptant sur votre soutien,

 

Séverine Chauvel, Docteure en sociologie, ENS-EHESS

Paula Cossart, Maitre de Conférence à l’Université de Lille 3, membre de l’Institut Universitaire de France

Saskia Cousin, Maitresse de conférence à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne,  membre de l’Institut Universitaire de France

Sibylle Gollac, Chargée de recherches au CNRS

Stéphanie Guyon, Maitresse de Conférence, Université d’Amiens

Jean Krivine, Chargé de recherches au CNRS

Audrey Mariette, Maitresse de Conférence, Université de Paris 8

Julie Pagis, Chargée de recherches au CNRS

Etienne Penissat, Chargé de recherches au CNRS

Abdia Touahria-Gaillard, Doctorante, EHESS-ENS-CNRS