Lettre à Saint-Denis

Je vous rassure, il ne s’agit pas ici de revenir sur les raisons qui ont crée les conditions de cet incroyable gâchis. Ni de redire à quel point il est anormal que la droite, certain.e.s diront, les sociaux libéraux, ait fait main basse sur la ville.

Cette lettre est une déclaration d’amour à cette ville. J’ai choisi de venir y vivre alors que j’y étudiais.

Elle est vivante, riche de toute sa population et dure à la fois.

Les défis dans cette ville très jeune dont une partie importante de la population est confrontée à des difficultés sociales, sont innombrables.

Cette lettre pour vous dire que ce fut pour moi un honneur d’être élu de cette ville. Un honneur d’avoir tenté à mon niveau de démontrer qu’on pouvait faire avancer les choses en tant qu’élu, que faire de la politique pouvait être le prolongement naturel d’un engagement militant.

J’ai eu à cœur de respecter mes engagements, d’abord auprès des parents d’élèves du groupe scolaire Joliot Curie, auprès desquels j’ai eu plaisir à travailler et essayer le mieux possible de faire l’interface entre la municipalité et les écoles.

Je ne renie rien de ce qu’ai pu faire sur la ville en tant qu’élu et militant. Fier d’avoir posé sur la table des débats nécessaires sur des questions sensibles qui étaient déjà instrumentalisées sur la ville, c’est le cas de la laïcité qui était récupérée à des fins de stigmatisation des musulman.es. Fier également d’avoir pris la défense des femmes portant le voile, même si le fait de rappeler l’évidence, à savoir que toutes les femmes doivent avoir les mêmes droits, m’a valu les pires accusations et insultes.


Fier d’avoir proposé que la ville ne communique plus avec des stéréotypes de sexe, c’est chose faite avec l’écriture dite inclusive.

Fier d’avoir initié le débat sur les questions liées à l’islamophobie. D’avoir co-organisé la marche historique du 10 novembre 2019.

Fier d’avoir proposé la cérémonie des régularisé.e.s, pour des personnes trop souvent invisibilisées.

Fier d’avoir organisé la première journée de sensibilisation sur les questions LGBTQIA+, et d’avoir contribué à créer les conditions favorables à l’organisation de la première marche des fiertés dans une ville populaire.

J’ai donné de mon temps, sans le compter, comme l’exige un mandat d’élu local.

Et je ne renie rien, je regrette seulement que ces questions liées aux droits humains n’aient pas été jugées prioritaires, centrales, y compris par une partie de la population, qui se réjouit du résultat de ces élections. Les mêmes qui pensent qu’il y a trop de pauvre, trop de migrants, trop de sans-papiers.
Le dernier arrivé ferme décidément encore la porte. Je n’oublie pas, entre autres, les comportements rromophobes sur la ville, y compris de la part d’enfants d’immigrés. Des comportements qui vont souvent de pair avec des positions ultra sécuritaires et clairement orientées contre les plus précaires.

J’assume totalement d’avoir contribué à faire de Saint-Denis un symbole de l’antiracisme politique. Malgré les attaques, insultes, menaces de mort, qui sont devenues quotidiennes.

Je n’oublierai pas les camarades de lutte, à Saint-Denis et ailleurs, dans les manifs ou sur les piquets, de la pride à la Palestine, de toutes les mobilisations.

Merci à mon groupe Rêve Insoumis, pour la force, le soutien. Bravo Bally Bagayoko, tu es un grand homme, un grand militant, et l’avenir s’ouvre à toi.

Il est à craindre dorénavant pour la ville. Elle doit veiller à n’exclure personne et à en finir avec la politique du bouc émissaire. Le PS s’en est nourri, sa campagne n’aurait pas été reniée par des candidats estampillés bien plus à droite.

L’âme de cette ville est populaire. C’est ce qui fait sa force, en comparaison avec les villes qui organisent le départ forcé de populations.

Plutôt que de s’attaquer à la pauvreté, le PS va s’attaquer aux pauvres. Et nous devrons être là pour nous y opposer, quand ils se serviront des JO pour expulser.

Encore une fois, je suis fier d’avoir été élu de cette ville. Une page se tourne, une autre est en train de s’écrire.

On doit occuper tous les espaces, dans les jours, semaines, mois et années à venir.

Je ne lâcherai rien soyez-en certain.e.s.